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Elizabeth Salguero

Entretiens

Soumis par iKNOW Politics le
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December 15, 2009

Elizabeth Salguero

Présidente de la Commission des droits de l'homme de la Chambre des députés de Bolivie

"…nous les féministes de la première heure sommes aujourd'hui confrontées au défi, non seulement en Bolivie, mais partout dans la région, de passer le flambeau à des femmes plus jeunes et de collaborer avec elles pour qu'elles développent leurs capacités de dirigeantes. Nous devons faire la place aux jeunes générations et cela ne me semble pas facile. C'est la raison pour laquelle je dis toujours que les jeunes femmes ont la priorité sur nous". - Elizabeth Salguero

iKNOW Politics: Je voudrais commencer par vous demander de nous parler de vos débuts en politique et de nous résumer brièvement votre carrière. Quelle influence le fait d'être une femme a-t-il eu sur ce processus?

Je possède un diplôme en communications sociales et une maîtrise de planification régionale. Je me suis lancée au début des années 90, en luttant pour les droits des femmes, particulièrement des femmes appartenant aux communautés autochtones. J'ai d'abord collaboré avec des organisations de femmes en tant que coordinatrice régionale de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes [Beijing 1995].

J'ai beaucoup apprécié cette expérience: pour la première fois les femmes réfléchissaient ensemble aux questions évoquées pendant la Plate-forme d'action pour les femmes [Beijing]. En Bolivie, c'était la première fois qu'était reconnu le travail des femmes d'origine autochtone et campesina [de la petite paysannerie]. Le rapport national a été rédigé pendant une série de rencontres et d'ateliers organisés par les organisations de femmes autochtones, dont certaines campesinas. C'est là que nous avons compris quelle difficulté nous aurions à intégrer le respect entre les cultures dans notre travail, ainsi que le rejet de la violence et de la discrimination.

J'ai ensuite été coordinatrice nationale pour l'organisation de femmes bolivienne appelée Articulación de Mujeres por la Equidad e Igualdad [AMUPEI], l'organe créé pour assurer le suivi de la Conférence de Beijing. Nous en avons fait une plate-forme de travail susceptible d'influer sur les trois pouvoirs (le législatif, l'exécutif et le judiciaire) dans le but de mettre en œuvre le Plan national d'action en faveur des femmes. Par la suite, j'ai recommencé à travailler dans les médias, auprès d'institutions s'occupant de coopération internationale et en tant que consultante pour des questions concernant les femmes.

En 2005, on m'a proposé d'être la suppléante du candidat du parti MAS [Mouvement vers le socialisme, parti de l'actuel Président Evo Morales]. C'était un honneur et une reconnaissance pour moi. C'était le défi qu'attendaient les organisations de femmes, tant à l'échelon personnel que collectif. Nous ne tenterions plus d'agir de l'extérieur, mais nous lutterions de l'intérieur en faveur des droits des femmes. J'ai été très agréablement surprise. Il ne s'est pas agi d'une réussite personnelle, mais collective. C'est grâce à l'appui dont j'ai bénéficié de la part des mouvements de femmes que j'ai pu faire mon entrée au Parlement. Au Parlement, je suis devenue membre de la Commission des relations internationales et ai ensuite été nommée Présidente de l'Union interparlementaire bolivienne. J'ai aussi été Vice-présidente de la Commission sociopolitique et préside actuellement la Commission des droits de l'homme. En dépit des grandes avancées enregistrées par les droits des femmes dans mon pays et dans le monde entier, je ne peux pas nier qu'il reste difficile pour les femmes d'exercer leurs droits au quotidien.

En Bolivie, nous disposons d'un cadre juridique très performant, tout particulièrement grâce à la nouvelle Constitution politique bolivienne (2009), mais le machisme d'une société restée patriarcale ralentit le rythme des progrès. Il n'est pas facile pour les femmes d'atteindre des positions dans lesquelles elles détiennent un pouvoir réel, d'être reconnues en tant que dirigeantes et de bénéficier des mêmes chances d'arriver à certains postes à responsabilités. Pour ce mandat par exemple, je suis la seule femme parlementaire Présidente de commission. La reconnaissance que nous avons jusqu'à maintenant réussi à obtenir est le fruit d'un très dur labeur au sein de ces structures, appuyé par le fort soutien collectif des femmes.

iKNOW Politics: Le MAS a remporté plusieurs élections de suite, s'arrogeant récemment plus de 60 pour cent des voix. Quel est le rôle joué par les femmes dirigeantes politiques dans l'ascension rapide de ce parti?

Dès le début, la participation active et directe de la Federación de Mujeres Campesinas de Bolivia Bartolina Sisa a été très importante. Cette fédération, qui est l'un des mouvements sociaux à la base du MAS, se considère comme l'un des “instruments politiques” de ces mouvements. La présence de femmes autochtones, dont certaines campesinas, a été évidente dans un grand nombre de mouvements. Silvia Lazarte a présidé l'Assemblée constituante; Leonilda Zurita appartient à la direction du MAS; Nemesia Achacollo et Sabina Orellana sont parlementaires; d'autres femmes autochtones, telles que Celina Torrico, Casimira Rodríguez et Celinda Sosa, ont été ministres. Un certain nombre de femmes ont été membres du cabinet. Malheureusement, nous n'avons à l'heure actuelle que deux ministres.

Nous espérons que la nouvelle Constitution nous permettra de faire progresser l'égalité. En fait, l'administration d'Evo Morales compte des femmes autochtones, dont certaines campesinas, à différents échelons, mais la proportion reste faible. Ce mouvement n'a pas commencé récemment avec le parti MAS, mais il a beaucoup progressé. La première parlementaire autochtone a été Remedios Loza, une femme de La Paz qui portait les vêtements traditionnels des autochtones et appartenait au Parti "Conscience de la patrie" [CONDEPA]. Il nous reste encore beaucoup de progrès à accomplir, mais nous devons avoir conscience du fait que, malgré la vision patriarcale qui règne dans les partis politiques et différents segments de la société bolivienne, il existe des personnes qui soutiennent activement les droits des femmes et sont très engagées dans cette lutte, ce qui nous ouvre des portes et nous aide à défendre notre cause et à accéder à des postes à responsabilités. Nous devons toutefois parfois travailler deux ou trois fois plus que les hommes pour obtenir les mêmes résultats.

iKNOW Politics: A votre avis, quelles sont les principales contributions de la nouvelle Constitution bolivienne à la cause des femmes et à leur participation à la vie politique?

Pour commencer, la nouvelle Constitution politique utilise un langage exempt de sexisme. Ensuite, les droits des femmes apparaissent dans tous les chapitres, sans exception, de la nouvelle Constitution. Aucun “régime particulier” n'est créé à l'intention des femmes et l'optique adoptée sur toutes les questions est plutôt universelle. En ce qui concerne la participation politique des femmes, l'article 11 affirme que la Bolivie adopte un mode de gouvernement démocratique, participatif, représentatif et communautaire, plaçant hommes et femmes sur un pied d'égalité. Pour les prochaines élections [décembre 2009], le grand défi auquel nous sommes confrontées est de garantir cette égalité, ainsi que le contenu de l'article 147, qui déclare que l'élection des membres de l'Assemblée garantira une participation égale des hommes et des femmes.

iKNOW Politics: Les blocs féministes parlementaires ont rencontré un franc succès dans un certain nombre de pays. Il existe en Bolivie l'Union bolivienne des femmes parlementaires (UMPABOL). Quel est son rôle et comment fonctionne-t-elle à l'heure actuelle?

Je vais devoir faire preuve de davantage d'autocritique sur ce point. Cette initiative aurait pu constituer un forum très intéressant pour collaborer avec différents partis politiques sur les questions liées aux femmes, dans la perspective de dépasser nos divergences de vues et de formuler des propositions communes. Cela n'a malheureusement pas été possible. L'UMPABOL s'est affaiblie avec le temps et n'a pas réussi à s'imposer au parlement national.

Je crois que ce sont des lacunes de direction qui n'ont pas permis de dégager l'unité nécessaire pour dépasser nos différences et œuvrer pour la cause commune des femmes. Ce forum n'a pas non plus été reconnu par les femmes des différents partis politiques. Il est important d'ajouter, toutefois, que d'autres espaces se sont ouverts dans la société civile, par exemple une commission ayant pour but de promouvoir les questions législatives importantes pour les femmes. Cette commission a répertorié toutes les lois présentées par des femmes, recensé les lois en cours d'élaboration et sert aujourd'hui d'organe de coordination œuvrant activement pour garantir la viabilité de ces lois. Tout ceci repose sur une alliance solide entre les femmes parlementaires et les organisations de femmes.

iKNOW Politics: Quels conseils donneriez-vous aux jeunes impliqués dans la politique ou souhaitant le devenir, mais qui considèrent ce domaine comme inaccessible?

Je crois que la réalité est double, n'est-ce pas? En Bolivie par exemple, la nouvelle Constitution a offert aux jeunes hommes et femmes la possibilité de devenir parlementaire, dès l'âge de dix-huit ans, au sein de la nouvelle Assemblée législative plurinationale. Il est fondamental que les jeunes relèvent ce défi, prennent conscience de leurs capacités et les développent afin de se porter candidats, puis de siéger au parlement. D'un autre côté, nous les féministes de la première heure sommes aujourd'hui confrontées au défi, non seulement en Bolivie mais partout dans la région, de passer le flambeau à des femmes plus jeunes et de collaborer avec elles pour qu'elles développent leurs capacités de dirigeantes. Nous devons faire la place aux jeunes générations et cela ne me semble pas facile. C'est la raison pour laquelle je dis toujours que les jeunes femmes ont la priorité sur nous.

iKNOW Politics: Quel rôle les réseaux ont-ils joué dans votre carrière politique? Pensez-vous qu'ils soient importants pour faire avancer la participation des femmes à la vie politique et leur rôle de dirigeantes?

Les réseaux sont bien sûr très importants. Ils permettent de mettre en commun notre expérience, d'avoir davantage d'impact à l'échelon régional et de donner aux luttes locales une dimension nouvelle. Nous apprenons au contact des autres femmes du réseau et elles nous fortifient par leur présence et leur expérience. Il est indispensable de disposer de réseaux au sein desquels non seulement nous mettons notre expérience en commun, mais échangeons aussi des documents, des idées et des projets toujours propices à notre travail à l'échelon local.

iKNOW Politics: Une dernière question: que souhaiteriez-vous qu'on se rappelle de vous? Quelles sont les plus grandes réussites que vous ayez enregistrées dans votre lutte en faveur des femmes ici en Bolivie?

Je pense que la chose la plus importante serait que les efforts conjoints des femmes donnent un tour concret aux avancées sanctionnées par la nouvelle Constitution. Il est important de mettre l'accent sur le travail collectif et de le développer. Les luttes ne sont pas seulement personnelles, les résultats sont le produit d'un effort collectif. Comme je l'ai déjà dit, la reconnaissance des capacités de dirigeantes des femmes est essentielle, mais tout dépend de la force du collectif. C'est ce que j'aimerais laisser en héritage, pour en finir avec ce que tout le monde dit toujours, à savoir que les femmes sont leurs pires ennemies.

En second lieu, je souhaiterais que les organisations de femmes de la société civile bolivienne développent le contrôle social, la vigilance et la force exécutoire. Il ne suffit pas que nos droits soient reconnus par la Constitution, nous devons les faire valoir et les protéger. Enfin, faire augmenter le nombre de femmes accédant au pouvoir n'est pas suffisant, nous devons garantir la qualité de cette représentation. Je me réfère par-là à la conscience que les femmes doivent avoir de l'importance de l'égalité des sexes, non seulement dans le contexte des droits des femmes, mais aussi de ceux d'autres groupes, par exemple les personnes ayant des préférences sexuelles différentes. Leurs droits figurent aussi dans la Constitution, mais ils doivent être renforcés et garantis.

Beaucoup de femmes ont oublié la cause féminine une fois arrivées à des positions de pouvoir. Tout cela nous ramène à l'idée de la force exécutoire. Les organisations de femmes doivent veiller à ce que ces femmes représentent véritablement les droits des autres lorsqu'elles arrivent au pouvoir.

 

Date de l'entretien
Présidente de la Commission des droits de l'homme de la Chambre des députés de Bolivie

"…nous les féministes de la première heure sommes aujourd'hui confrontées au défi, non seulement en Bolivie, mais partout dans la région, de passer le flambeau à des femmes plus jeunes et de collaborer avec elles pour qu'elles développent leurs capacités de dirigeantes. Nous devons faire la place aux jeunes générations et cela ne me semble pas facile. C'est la raison pour laquelle je dis toujours que les jeunes femmes ont la priorité sur nous". - Elizabeth Salguero

iKNOW Politics: Je voudrais commencer par vous demander de nous parler de vos débuts en politique et de nous résumer brièvement votre carrière. Quelle influence le fait d'être une femme a-t-il eu sur ce processus?

Je possède un diplôme en communications sociales et une maîtrise de planification régionale. Je me suis lancée au début des années 90, en luttant pour les droits des femmes, particulièrement des femmes appartenant aux communautés autochtones. J'ai d'abord collaboré avec des organisations de femmes en tant que coordinatrice régionale de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes [Beijing 1995].

J'ai beaucoup apprécié cette expérience: pour la première fois les femmes réfléchissaient ensemble aux questions évoquées pendant la Plate-forme d'action pour les femmes [Beijing]. En Bolivie, c'était la première fois qu'était reconnu le travail des femmes d'origine autochtone et campesina [de la petite paysannerie]. Le rapport national a été rédigé pendant une série de rencontres et d'ateliers organisés par les organisations de femmes autochtones, dont certaines campesinas. C'est là que nous avons compris quelle difficulté nous aurions à intégrer le respect entre les cultures dans notre travail, ainsi que le rejet de la violence et de la discrimination.

J'ai ensuite été coordinatrice nationale pour l'organisation de femmes bolivienne appelée Articulación de Mujeres por la Equidad e Igualdad [AMUPEI], l'organe créé pour assurer le suivi de la Conférence de Beijing. Nous en avons fait une plate-forme de travail susceptible d'influer sur les trois pouvoirs (le législatif, l'exécutif et le judiciaire) dans le but de mettre en œuvre le Plan national d'action en faveur des femmes. Par la suite, j'ai recommencé à travailler dans les médias, auprès d'institutions s'occupant de coopération internationale et en tant que consultante pour des questions concernant les femmes.

En 2005, on m'a proposé d'être la suppléante du candidat du parti MAS [Mouvement vers le socialisme, parti de l'actuel Président Evo Morales]. C'était un honneur et une reconnaissance pour moi. C'était le défi qu'attendaient les organisations de femmes, tant à l'échelon personnel que collectif. Nous ne tenterions plus d'agir de l'extérieur, mais nous lutterions de l'intérieur en faveur des droits des femmes. J'ai été très agréablement surprise. Il ne s'est pas agi d'une réussite personnelle, mais collective. C'est grâce à l'appui dont j'ai bénéficié de la part des mouvements de femmes que j'ai pu faire mon entrée au Parlement. Au Parlement, je suis devenue membre de la Commission des relations internationales et ai ensuite été nommée Présidente de l'Union interparlementaire bolivienne. J'ai aussi été Vice-présidente de la Commission sociopolitique et préside actuellement la Commission des droits de l'homme. En dépit des grandes avancées enregistrées par les droits des femmes dans mon pays et dans le monde entier, je ne peux pas nier qu'il reste difficile pour les femmes d'exercer leurs droits au quotidien.

En Bolivie, nous disposons d'un cadre juridique très performant, tout particulièrement grâce à la nouvelle Constitution politique bolivienne (2009), mais le machisme d'une société restée patriarcale ralentit le rythme des progrès. Il n'est pas facile pour les femmes d'atteindre des positions dans lesquelles elles détiennent un pouvoir réel, d'être reconnues en tant que dirigeantes et de bénéficier des mêmes chances d'arriver à certains postes à responsabilités. Pour ce mandat par exemple, je suis la seule femme parlementaire Présidente de commission. La reconnaissance que nous avons jusqu'à maintenant réussi à obtenir est le fruit d'un très dur labeur au sein de ces structures, appuyé par le fort soutien collectif des femmes.

iKNOW Politics: Le MAS a remporté plusieurs élections de suite, s'arrogeant récemment plus de 60 pour cent des voix. Quel est le rôle joué par les femmes dirigeantes politiques dans l'ascension rapide de ce parti?

Dès le début, la participation active et directe de la Federación de Mujeres Campesinas de Bolivia Bartolina Sisa a été très importante. Cette fédération, qui est l'un des mouvements sociaux à la base du MAS, se considère comme l'un des “instruments politiques” de ces mouvements. La présence de femmes autochtones, dont certaines campesinas, a été évidente dans un grand nombre de mouvements. Silvia Lazarte a présidé l'Assemblée constituante; Leonilda Zurita appartient à la direction du MAS; Nemesia Achacollo et Sabina Orellana sont parlementaires; d'autres femmes autochtones, telles que Celina Torrico, Casimira Rodríguez et Celinda Sosa, ont été ministres. Un certain nombre de femmes ont été membres du cabinet. Malheureusement, nous n'avons à l'heure actuelle que deux ministres.

Nous espérons que la nouvelle Constitution nous permettra de faire progresser l'égalité. En fait, l'administration d'Evo Morales compte des femmes autochtones, dont certaines campesinas, à différents échelons, mais la proportion reste faible. Ce mouvement n'a pas commencé récemment avec le parti MAS, mais il a beaucoup progressé. La première parlementaire autochtone a été Remedios Loza, une femme de La Paz qui portait les vêtements traditionnels des autochtones et appartenait au Parti "Conscience de la patrie" [CONDEPA]. Il nous reste encore beaucoup de progrès à accomplir, mais nous devons avoir conscience du fait que, malgré la vision patriarcale qui règne dans les partis politiques et différents segments de la société bolivienne, il existe des personnes qui soutiennent activement les droits des femmes et sont très engagées dans cette lutte, ce qui nous ouvre des portes et nous aide à défendre notre cause et à accéder à des postes à responsabilités. Nous devons toutefois parfois travailler deux ou trois fois plus que les hommes pour obtenir les mêmes résultats.

iKNOW Politics: A votre avis, quelles sont les principales contributions de la nouvelle Constitution bolivienne à la cause des femmes et à leur participation à la vie politique?

Pour commencer, la nouvelle Constitution politique utilise un langage exempt de sexisme. Ensuite, les droits des femmes apparaissent dans tous les chapitres, sans exception, de la nouvelle Constitution. Aucun “régime particulier” n'est créé à l'intention des femmes et l'optique adoptée sur toutes les questions est plutôt universelle. En ce qui concerne la participation politique des femmes, l'article 11 affirme que la Bolivie adopte un mode de gouvernement démocratique, participatif, représentatif et communautaire, plaçant hommes et femmes sur un pied d'égalité. Pour les prochaines élections [décembre 2009], le grand défi auquel nous sommes confrontées est de garantir cette égalité, ainsi que le contenu de l'article 147, qui déclare que l'élection des membres de l'Assemblée garantira une participation égale des hommes et des femmes.

iKNOW Politics: Les blocs féministes parlementaires ont rencontré un franc succès dans un certain nombre de pays. Il existe en Bolivie l'Union bolivienne des femmes parlementaires (UMPABOL). Quel est son rôle et comment fonctionne-t-elle à l'heure actuelle?

Je vais devoir faire preuve de davantage d'autocritique sur ce point. Cette initiative aurait pu constituer un forum très intéressant pour collaborer avec différents partis politiques sur les questions liées aux femmes, dans la perspective de dépasser nos divergences de vues et de formuler des propositions communes. Cela n'a malheureusement pas été possible. L'UMPABOL s'est affaiblie avec le temps et n'a pas réussi à s'imposer au parlement national.

Je crois que ce sont des lacunes de direction qui n'ont pas permis de dégager l'unité nécessaire pour dépasser nos différences et œuvrer pour la cause commune des femmes. Ce forum n'a pas non plus été reconnu par les femmes des différents partis politiques. Il est important d'ajouter, toutefois, que d'autres espaces se sont ouverts dans la société civile, par exemple une commission ayant pour but de promouvoir les questions législatives importantes pour les femmes. Cette commission a répertorié toutes les lois présentées par des femmes, recensé les lois en cours d'élaboration et sert aujourd'hui d'organe de coordination œuvrant activement pour garantir la viabilité de ces lois. Tout ceci repose sur une alliance solide entre les femmes parlementaires et les organisations de femmes.

iKNOW Politics: Quels conseils donneriez-vous aux jeunes impliqués dans la politique ou souhaitant le devenir, mais qui considèrent ce domaine comme inaccessible?

Je crois que la réalité est double, n'est-ce pas? En Bolivie par exemple, la nouvelle Constitution a offert aux jeunes hommes et femmes la possibilité de devenir parlementaire, dès l'âge de dix-huit ans, au sein de la nouvelle Assemblée législative plurinationale. Il est fondamental que les jeunes relèvent ce défi, prennent conscience de leurs capacités et les développent afin de se porter candidats, puis de siéger au parlement. D'un autre côté, nous les féministes de la première heure sommes aujourd'hui confrontées au défi, non seulement en Bolivie mais partout dans la région, de passer le flambeau à des femmes plus jeunes et de collaborer avec elles pour qu'elles développent leurs capacités de dirigeantes. Nous devons faire la place aux jeunes générations et cela ne me semble pas facile. C'est la raison pour laquelle je dis toujours que les jeunes femmes ont la priorité sur nous.

iKNOW Politics: Quel rôle les réseaux ont-ils joué dans votre carrière politique? Pensez-vous qu'ils soient importants pour faire avancer la participation des femmes à la vie politique et leur rôle de dirigeantes?

Les réseaux sont bien sûr très importants. Ils permettent de mettre en commun notre expérience, d'avoir davantage d'impact à l'échelon régional et de donner aux luttes locales une dimension nouvelle. Nous apprenons au contact des autres femmes du réseau et elles nous fortifient par leur présence et leur expérience. Il est indispensable de disposer de réseaux au sein desquels non seulement nous mettons notre expérience en commun, mais échangeons aussi des documents, des idées et des projets toujours propices à notre travail à l'échelon local.

iKNOW Politics: Une dernière question: que souhaiteriez-vous qu'on se rappelle de vous? Quelles sont les plus grandes réussites que vous ayez enregistrées dans votre lutte en faveur des femmes ici en Bolivie?

Je pense que la chose la plus importante serait que les efforts conjoints des femmes donnent un tour concret aux avancées sanctionnées par la nouvelle Constitution. Il est important de mettre l'accent sur le travail collectif et de le développer. Les luttes ne sont pas seulement personnelles, les résultats sont le produit d'un effort collectif. Comme je l'ai déjà dit, la reconnaissance des capacités de dirigeantes des femmes est essentielle, mais tout dépend de la force du collectif. C'est ce que j'aimerais laisser en héritage, pour en finir avec ce que tout le monde dit toujours, à savoir que les femmes sont leurs pires ennemies.

En second lieu, je souhaiterais que les organisations de femmes de la société civile bolivienne développent le contrôle social, la vigilance et la force exécutoire. Il ne suffit pas que nos droits soient reconnus par la Constitution, nous devons les faire valoir et les protéger. Enfin, faire augmenter le nombre de femmes accédant au pouvoir n'est pas suffisant, nous devons garantir la qualité de cette représentation. Je me réfère par-là à la conscience que les femmes doivent avoir de l'importance de l'égalité des sexes, non seulement dans le contexte des droits des femmes, mais aussi de ceux d'autres groupes, par exemple les personnes ayant des préférences sexuelles différentes. Leurs droits figurent aussi dans la Constitution, mais ils doivent être renforcés et garantis.

Beaucoup de femmes ont oublié la cause féminine une fois arrivées à des positions de pouvoir. Tout cela nous ramène à l'idée de la force exécutoire. Les organisations de femmes doivent veiller à ce que ces femmes représentent véritablement les droits des autres lorsqu'elles arrivent au pouvoir.

 

Date de l'entretien
Présidente de la Commission des droits de l'homme de la Chambre des députés de Bolivie