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Pauline Sukhai

Entretiens

Soumis par iKNOW Politics le
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January 25, 2011

Pauline Sukhai

Ministre des affaires amérindiennes de la République du Guyana

“…mais si le nombre de femmes instruites augmente, je suis certaine que de plus en plus de femmes de qualité exceptionnelle seront capables de jouer très bientôt un rôle de premier plan. Je pense que la qualité des femmes engagées dans la vie politique s'améliorera rapidement.” - Pauline Sukhai

iKNOW Politics: Commençons par parler de votre carrière politique. Quand a-t-elle démarré, quelle était votre motivation et à quels obstacles vous êtes-vous heurtée en tant que femme?

Ma carrière politique a commencé à l'âge de 11 ans. La terrible injustice que subissait à l'époque dans mon pays le parti d'opposition, auquel j'appartiens aujourd'hui, a été ma motivation. Un jour, alors que je me déplaçais, j'ai vu un militant du Parti progressiste du peuple (PPP) se faire harceler et brutaliser par l'appareil d'Etat (la police) et je me suis juré à un très jeune âge que je ferais quelque chose pour remédier à ça. J'avais une douzaine d'années lorsque je me suis inscrite à l'Organisation des jeunes progressistes, avant de rejoindre l'Organisation des femmes progressistes (WPO), organisation très populaire dans mon pays. Je n'ai plus jamais changé d'orientation. Par la suite, j'ai adhéré au Parti progressiste du peuple.

J'ai occupé différentes fonctions depuis l'époque. Du statut de membre ordinaire appartenant à la base, je  suis arrivée à celui de membre du Comité central. Aujourd'hui, je suis aussi membre du Comité exécutif de mon parti. J'ai occupé plusieurs postes au gouvernement: secrétaire parlementaire aux affaires indigènes pendant trois ans, secrétaire parlementaire pour le Ministre du tourisme, jusqu'à aujourd'hui, où je suis devenue Ministre des affaires amérindiennes (depuis 2008). Je suis parlementaire depuis 18 ans maintenant, c'est en décembre 2010 que j'ai fêté le 18eanniversaire de mon entrée au parlement. Ma carrière a donc été très intéressante et stimulante. Personnellement, je n'ai pas été très affectée par les difficultés de territoire, mais je suis consciente des conséquences plus générales que peut entraîner l'engagement majeur des femmes dans la politique étant donné la lourde charge qui pèse sur leurs épaules. Je crois que les représentantes politiques guyanaises ont réussi à surmonter certains de ces problèmes grâce à leur détermination et à leur engagement.

Je ne dirais pas que je me suis heurtée à des obstacles. Je dirais que j'ai été confrontée aux difficultés qu’une femme sortant d'un minuscule village d'une zone rurale sans formation secondaire, encore moins universitaire. J'ai dû travailler d'autant plus dur, tant sur le plan politique que pour me former. J'ai aussi dû trouver un équilibre avec ma vie de famille, car je me suis mariée très jeune (à 21 ans) et j'ai eu deux enfants. A l'échelon politique, je ne peux toutefois pas dire que j'ai rencontré des obstacles dans mon parti puisque nous avons toujours cherché à garantir une représentation plus équitable des femmes aux postes à responsabilités du parti, déjà à l'époque dans l'opposition, mais aussi aujourd'hui que nous sommes à la tête du pays. Nos dirigeants et tous ceux d'entre nous qui sommes en haut de la pyramide avons toujours œuvré pour que les femmes montent les échelons du parti, voire du gouvernement. Les résultats sont tangibles, puisque notre parlement est aujourd'hui composé à 33 pour cent de femmes. Au cabinet, je crois que ce chiffre avoisine les 34 pour cent. Même la liste présentée par le parti doit être composée par un tiers de femmes, quota que notre ancien Président M. Cheddi Jagan (1992-1997), aujourd'hui décédé, a veillé à préserver.

iKNOW Politics : Vous êtes une militante, une femme qui a fait carrière à l'intérieur d'un parti. Dans quelle mesure les partis guyanais sont-ils ouverts aux femmes et aux candidates?

Je peux m'exprimer au nom du Parti progressiste du peuple, qui a toujours été ouvert aux femmes et les a bien accueillies. De fait, l'une des plus grandes organisations politiques de femmes du pays est alliée à mon parti. Ce simple fait en dit long sur l'accès des femmes au parti car, qu'on appartienne à l'organisation féminine ou à l'organisation politique (WPO), on accède automatiquement aux rangs du parti. Les membres de notre Comité central étant élus, c'est le groupe qui est impliqué. Toutefois, la culture guyanaise continue à entraver fortement l'accession des femmes à des postes à hautes responsabilités. Les liens familiaux, imprégnés de notre culture et de nos traditions, peuvent même rendre cette accession impossible.

iKNOW Politics: Pouvez-vous nous citer trois objectifs que vous souhaitez atteindre au cours de votre ministère afin de développer la participation politique des femmes autochtones? Quelle stratégie mettrez-vous en œuvre pour tenter d'atteindre ces objectifs?

A l'échelon politique, mon rôle concerne plutôt le développement en général et, avec le développement, vient la politique. Les mécanismes et les stratégies auxquels nous faisons appel au sein de mon ministère incluent toutefois les femmes car nous sommes très ouverts. Nous ne pouvons pas influer sur la vie politique depuis le Ministère, c'est la tâche du parti. Dans les programmes que nous mettons en œuvre à l'échelon national, par exemple les plans de développement communautaire et le programme d'autosuffisance, nous incitons les femmes à participer au programme à l'échelon des villages. Cette participation ne dépend pas tant de notre volonté propre que de la situation économique des villages. Les femmes sont parfois plus présentes dans les villages que leurs homologues masculins, qui partent chercher du travail dans d'autres secteurs. Dans les communautés extrêmement rurales ou isolées, les femmes sont parfois les seules à rester. Donc si vous songez aux programmes d'autosuffisance ou de développement communautaire, ce sont les femmes qui en sont les principaux agents et concepteurs.

iKNOW Politics: Les alliances et les réseaux sont essentiels en politique. iKNOW Politics est aussi un réseau de réseaux. Quel rôle les alliances et les réseaux ont-ils joué dans votre carrière politique?

Leur rôle a été essentiel. La situation de mon parti est tout à fait unique. En 1992, par exemple, alors que nous avions décidé de remporter la majorité des voix aux élections en nous présentant seuls, nous avons noué une alliance avec le mouvement civique.  Notre parti est donc devenu le Parti progressiste du peuple/Civique, puisque nous avons dans notre cadre politique un partenariat civique qui complète l'action des représentants politiques. Nous nous sommes tous présentés ensemble, côte à côte, en partenariat, aux élections. Des élections auront lieu l'année prochaine (en août 2011) et la discussion porte déjà sur l'opportunité d'élargir le partenariat à la société civile et aux organisations religieuses.

iKNOW Politics: Quel rôle jouent les jeunes femmes dans la politique guyanaise? Existe-t-il chez vous des mouvements exigeant un renouveau parmi les dirigeants du pays?

La politique n'est pas très attirante. Je me penche sur la question depuis un certain temps et je me suis rendue compte que les femmes ayant de meilleures perspectives et un meilleur accès à l'éducation secondaire et universitaire sont nombreuses à consacrer davantage de temps à leur formation. Les femmes de ma génération consacraient beaucoup plus de temps à la politique car certaines d'entre nous n'avaient pas la possibilité de faire de longues études ni de passer du temps à se former elles-mêmes. Notre étions donc très actives sur la scène politique, y compris en agissant à la base dans les communautés. Je pense que cela prend donc un certain temps, mais si le nombre de femmes instruites augmente, je suis certaine que de plus en plus de femmes de qualité exceptionnelle seront capables de jouer très bientôt un rôle de premier plan. Je pense que la qualité des femmes engagées dans la vie politique s'améliorera rapidement.

iKNOW Politics: Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui s'engagent dans la politique ou qui sont intéressées par la politique mais pensent que c'est trop dur?

L'une des premières choses que je dirais aux jeunes femmes, c'est que la vie est courte. Toute carrière entraîne son lot de difficultés et si cette carrière est politique, elle sera très intéressante et stimulante. Aux femmes, la politique ne demande que de la détermination et la capacité à remettre en cause les normes et les pratiques existantes pour permettre au peuple de se développer. Lorsqu'une femme en est intimement convaincue, cette force devient le moteur de l'action politique, notamment pour les jeunes, qui savent que leur contribution à la construction de leur pays et au maintien de la démocratie pour leur peuple exige qu'ils fassent des efforts et que cette profession ne doit pas être considérée comme "dure". Toutes les professions sont dures. Une profession est ce que l'on en fait.

 

Date de l'entretien
Région
Ministre des affaires amérindiennes de la République du Guyana

“…mais si le nombre de femmes instruites augmente, je suis certaine que de plus en plus de femmes de qualité exceptionnelle seront capables de jouer très bientôt un rôle de premier plan. Je pense que la qualité des femmes engagées dans la vie politique s'améliorera rapidement.” - Pauline Sukhai

iKNOW Politics: Commençons par parler de votre carrière politique. Quand a-t-elle démarré, quelle était votre motivation et à quels obstacles vous êtes-vous heurtée en tant que femme?

Ma carrière politique a commencé à l'âge de 11 ans. La terrible injustice que subissait à l'époque dans mon pays le parti d'opposition, auquel j'appartiens aujourd'hui, a été ma motivation. Un jour, alors que je me déplaçais, j'ai vu un militant du Parti progressiste du peuple (PPP) se faire harceler et brutaliser par l'appareil d'Etat (la police) et je me suis juré à un très jeune âge que je ferais quelque chose pour remédier à ça. J'avais une douzaine d'années lorsque je me suis inscrite à l'Organisation des jeunes progressistes, avant de rejoindre l'Organisation des femmes progressistes (WPO), organisation très populaire dans mon pays. Je n'ai plus jamais changé d'orientation. Par la suite, j'ai adhéré au Parti progressiste du peuple.

J'ai occupé différentes fonctions depuis l'époque. Du statut de membre ordinaire appartenant à la base, je  suis arrivée à celui de membre du Comité central. Aujourd'hui, je suis aussi membre du Comité exécutif de mon parti. J'ai occupé plusieurs postes au gouvernement: secrétaire parlementaire aux affaires indigènes pendant trois ans, secrétaire parlementaire pour le Ministre du tourisme, jusqu'à aujourd'hui, où je suis devenue Ministre des affaires amérindiennes (depuis 2008). Je suis parlementaire depuis 18 ans maintenant, c'est en décembre 2010 que j'ai fêté le 18eanniversaire de mon entrée au parlement. Ma carrière a donc été très intéressante et stimulante. Personnellement, je n'ai pas été très affectée par les difficultés de territoire, mais je suis consciente des conséquences plus générales que peut entraîner l'engagement majeur des femmes dans la politique étant donné la lourde charge qui pèse sur leurs épaules. Je crois que les représentantes politiques guyanaises ont réussi à surmonter certains de ces problèmes grâce à leur détermination et à leur engagement.

Je ne dirais pas que je me suis heurtée à des obstacles. Je dirais que j'ai été confrontée aux difficultés qu’une femme sortant d'un minuscule village d'une zone rurale sans formation secondaire, encore moins universitaire. J'ai dû travailler d'autant plus dur, tant sur le plan politique que pour me former. J'ai aussi dû trouver un équilibre avec ma vie de famille, car je me suis mariée très jeune (à 21 ans) et j'ai eu deux enfants. A l'échelon politique, je ne peux toutefois pas dire que j'ai rencontré des obstacles dans mon parti puisque nous avons toujours cherché à garantir une représentation plus équitable des femmes aux postes à responsabilités du parti, déjà à l'époque dans l'opposition, mais aussi aujourd'hui que nous sommes à la tête du pays. Nos dirigeants et tous ceux d'entre nous qui sommes en haut de la pyramide avons toujours œuvré pour que les femmes montent les échelons du parti, voire du gouvernement. Les résultats sont tangibles, puisque notre parlement est aujourd'hui composé à 33 pour cent de femmes. Au cabinet, je crois que ce chiffre avoisine les 34 pour cent. Même la liste présentée par le parti doit être composée par un tiers de femmes, quota que notre ancien Président M. Cheddi Jagan (1992-1997), aujourd'hui décédé, a veillé à préserver.

iKNOW Politics : Vous êtes une militante, une femme qui a fait carrière à l'intérieur d'un parti. Dans quelle mesure les partis guyanais sont-ils ouverts aux femmes et aux candidates?

Je peux m'exprimer au nom du Parti progressiste du peuple, qui a toujours été ouvert aux femmes et les a bien accueillies. De fait, l'une des plus grandes organisations politiques de femmes du pays est alliée à mon parti. Ce simple fait en dit long sur l'accès des femmes au parti car, qu'on appartienne à l'organisation féminine ou à l'organisation politique (WPO), on accède automatiquement aux rangs du parti. Les membres de notre Comité central étant élus, c'est le groupe qui est impliqué. Toutefois, la culture guyanaise continue à entraver fortement l'accession des femmes à des postes à hautes responsabilités. Les liens familiaux, imprégnés de notre culture et de nos traditions, peuvent même rendre cette accession impossible.

iKNOW Politics: Pouvez-vous nous citer trois objectifs que vous souhaitez atteindre au cours de votre ministère afin de développer la participation politique des femmes autochtones? Quelle stratégie mettrez-vous en œuvre pour tenter d'atteindre ces objectifs?

A l'échelon politique, mon rôle concerne plutôt le développement en général et, avec le développement, vient la politique. Les mécanismes et les stratégies auxquels nous faisons appel au sein de mon ministère incluent toutefois les femmes car nous sommes très ouverts. Nous ne pouvons pas influer sur la vie politique depuis le Ministère, c'est la tâche du parti. Dans les programmes que nous mettons en œuvre à l'échelon national, par exemple les plans de développement communautaire et le programme d'autosuffisance, nous incitons les femmes à participer au programme à l'échelon des villages. Cette participation ne dépend pas tant de notre volonté propre que de la situation économique des villages. Les femmes sont parfois plus présentes dans les villages que leurs homologues masculins, qui partent chercher du travail dans d'autres secteurs. Dans les communautés extrêmement rurales ou isolées, les femmes sont parfois les seules à rester. Donc si vous songez aux programmes d'autosuffisance ou de développement communautaire, ce sont les femmes qui en sont les principaux agents et concepteurs.

iKNOW Politics: Les alliances et les réseaux sont essentiels en politique. iKNOW Politics est aussi un réseau de réseaux. Quel rôle les alliances et les réseaux ont-ils joué dans votre carrière politique?

Leur rôle a été essentiel. La situation de mon parti est tout à fait unique. En 1992, par exemple, alors que nous avions décidé de remporter la majorité des voix aux élections en nous présentant seuls, nous avons noué une alliance avec le mouvement civique.  Notre parti est donc devenu le Parti progressiste du peuple/Civique, puisque nous avons dans notre cadre politique un partenariat civique qui complète l'action des représentants politiques. Nous nous sommes tous présentés ensemble, côte à côte, en partenariat, aux élections. Des élections auront lieu l'année prochaine (en août 2011) et la discussion porte déjà sur l'opportunité d'élargir le partenariat à la société civile et aux organisations religieuses.

iKNOW Politics: Quel rôle jouent les jeunes femmes dans la politique guyanaise? Existe-t-il chez vous des mouvements exigeant un renouveau parmi les dirigeants du pays?

La politique n'est pas très attirante. Je me penche sur la question depuis un certain temps et je me suis rendue compte que les femmes ayant de meilleures perspectives et un meilleur accès à l'éducation secondaire et universitaire sont nombreuses à consacrer davantage de temps à leur formation. Les femmes de ma génération consacraient beaucoup plus de temps à la politique car certaines d'entre nous n'avaient pas la possibilité de faire de longues études ni de passer du temps à se former elles-mêmes. Notre étions donc très actives sur la scène politique, y compris en agissant à la base dans les communautés. Je pense que cela prend donc un certain temps, mais si le nombre de femmes instruites augmente, je suis certaine que de plus en plus de femmes de qualité exceptionnelle seront capables de jouer très bientôt un rôle de premier plan. Je pense que la qualité des femmes engagées dans la vie politique s'améliorera rapidement.

iKNOW Politics: Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui s'engagent dans la politique ou qui sont intéressées par la politique mais pensent que c'est trop dur?

L'une des premières choses que je dirais aux jeunes femmes, c'est que la vie est courte. Toute carrière entraîne son lot de difficultés et si cette carrière est politique, elle sera très intéressante et stimulante. Aux femmes, la politique ne demande que de la détermination et la capacité à remettre en cause les normes et les pratiques existantes pour permettre au peuple de se développer. Lorsqu'une femme en est intimement convaincue, cette force devient le moteur de l'action politique, notamment pour les jeunes, qui savent que leur contribution à la construction de leur pays et au maintien de la démocratie pour leur peuple exige qu'ils fassent des efforts et que cette profession ne doit pas être considérée comme "dure". Toutes les professions sont dures. Une profession est ce que l'on en fait.

 

Date de l'entretien
Région
Ministre des affaires amérindiennes de la République du Guyana